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Conjoncture La flambée du prix de l’électricité change la donne pour le biogaz

Gros consommateurs d'électricité, les méthaniseurs voient leur modèle économique fragilisé par la forte hausse des prix.

Le poste électricité pourrait passer de 10 à 25 % du total des charges des méthaniseurs. L’adaptation des pratiques mais aussi des évolutions réglementaires s’imposent pour préserver la rentabilité.

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Les producteurs de biogaz sont aussi de gros consommateurs d’énergie. « En moyenne, pour dix unités produites, une est consommée » explique Hugo Kech, chargé d’études biogaz à l’association Aile Pays-de-la-Loire. Le mélange doit être brassé dans la cuve pour l’homogénéiser, favoriser le contact entre les micro-organismes et la matière organique et éviter la formation d’une croûte. Les pratiques diffèrent mais dans tous les cas, un brassage régulier est nécessaire et il est énergivore.

De plus, en fonction de la ration, un broyage des ingrédients est parfois indispensable. C’est le cas notamment de ceux qui utilisent un volume important de fumier. Enfin, en cas d’injection du biogaz, il faut épurer le produit. Or, cette opération consomme beaucoup d’énergie. Il faut compter 0,3 kWh pour épurer un Nm3 (Normal m3) de biogaz. Cette étape représente environ la moitié de la consommation électrique dans les systèmes en injection.

« Plusieurs pistes s'ouvrent pour réduire la facture », ajoute Hugo Kech. À court terme, on peut tenter de revoir son approvisionnement en électricité. Tout dépend des conditions de son contrat. De nombreux producteurs disposent d’un droit d’Arenh (accès régulé à l’électricité nucléaire historique). Ce dispositif oblige EDF à vendre à ses concurrents une partie de sa production à prix fixe. Le volume est plafonné à 100 TWh par an et au 1er janvier 2023, le prix est fixé à 49 €/MWh.

Le prix de gros de l’électricité a explosé

Ce dispositif est très sollicité et les demandes ne peuvent donc pas toutes être couvertes. Le reste doit être acheté au prix de gros qui a explosé. Fin août, il a atteint le record de 1 000 €/MWh. On peut tabler sur 150 à 200 €/MWh à moyen terme. Dans ces conditions, plus le contrat inclut un droit d’Aneth élevé, plus l’acheteur dispose de visibilité.

Face aux incertitudes quant à l’évolution des prix de l’électricité, réduire sa consommation ne peut être que bénéfique. Des entreprises proposent des audits pour identifier les sources d’économies. On peut espérer une baisse de la consommation de quelques pourcents. Parmi ces pistes, on peut citer un transfert partiel d’heures pleines en heures creuses, une partie du brassage pouvant, dans certains cas, être réalisée la nuit. Ou encore, une révision de la ration. En effet, en réduisant la part de fumier, on a moins besoin de broyer. Ce choix a d’autres conséquences et sa pertinence doit être évaluée au cas par cas. La pose d’un variateur de fréquence permet d’étaler certaines opérations et de réduire l’appel électrique.

L’autoconsommation est souvent impossible

Mais la question centrale reste celle de l’autoconsommation. Pourquoi acheter de l’électricité quand on en produit ? La plupart des méthaniseurs ne peuvent pas autoconsommer pour des raisons réglementaires. Les producteurs en cogénération se sont engagés lors de la signature de leur contrat à vendre la totalité de leur production. L’autoconsommation leur est donc interdite. Jusqu’à l’an dernier, cette option était judicieuse. Ce n’est plus le cas. Rompre son contrat n’est pas envisageable car cela coûte très cher.

Ceux qui font de l’injection ont le droit de détourner une partie du biogaz pour produire de l’électricité autoconsommée. Cependant, l’interprétation réglementaire actuelle interdit le chauffage des digesteurs par la chaleur résultant de la cogénération.

En théorie, ceux, ils sont très peu nombreux, qui ne sont pas engagés contractuellement à vendre la totalité de leur production peuvent imaginer une unité de cogénération dédiée à la couverture de leurs besoins. Cela fonctionne et cette pratique tend à se développer. Cependant, elle est compliquée à mettre en œuvre et onéreuse. Au final, le prix de revient reste difficile à estimer.

L’autoconsommation peut aussi passer par un autre mode de production, l’installation de panneaux solaires par exemple. Beaucoup se sont lancés, cela fonctionne et il n’y a pas de freins réglementaires. Mais il faut investir et la production solaire n’est pas linéaire, contrairement aux besoins de la méthanisation. On peut espérer couvrir 20 à 25 % de la consommation par cette voie.

Faire évoluer le cadre réglementaire

On voit donc que les pistes pour réduire l’impact de l’envolée des prix de l’énergie ne sont pas si nombreuses, souvent pour des raisons réglementaires. Or, si le poids de l’électricité monte de 10 à 25 % des charges, comme il tend à le faire, c’est tout le modèle économique qui vacille. La filière, représentée en partie par l’AMF (Association des méthaniseurs de France), et ses déclinaisons régionales, s’est donc lancée dans des négociations pour faire évoluer ce cadre réglementaire.

Elle souhaite obtenir le gel de la dégressivité tarifaire. En effet, les contrats prévoient un prix d’achat garanti sur quinze ans en injection et vingt en cogénération. Ce tarif peut cependant évoluer sur ces périodes en fonction de coefficients (K et L). Ainsi depuis 2020, la variation du K s’est traduite par une baisse du prix de rachat de l’ordre de 0,5 % par trimestre. Cependant, une actualisation du coefficient K en septembre 2022 a permis une prise en compte de l’inflation et donc le retour à un tarif un peu plus avantageux. Le coefficient L intègre l’inflation et le coût de la main-d’œuvre. Lui aussi a été revalorisé en 2022.

Assouplir les délais de mise en production

Le soutien des porteurs de projets confrontés à des recours préoccupe aussi l’AMF. Les travaux prennent du retard avec le risque pour les méthaniseurs concernés de ne pas pouvoir remplir leurs engagements de production à la date prévue. Ils se retrouvent alors en contentieux. Un assouplissement des délais est nécessaire. La loi d’accélération des énergies renouvelables (ENR) devrait améliorer ce point.

L’AMF demande aussi l’annualisation de la Cmax, y compris pour les contrats déjà signés. Ce critère définit la capacité de production de l’installation et donc le volume d’énergie vendue retenu dans le contrat et bénéficiant du prix garanti. Le surplus éventuel est payé au prix du marché Spot. Pour les contrats signés entre 2011 et 2021, l’évaluation s’effectue chaque mois. Or, en fonction de leur approvisionnement, certains méthaniseurs ont une production saisonnière. L’annualisation de la Cmax serait donc bénéfique pour eux.

Par ailleurs, l’aide de l’État aux gros consommateurs d’énergie exclut aujourd’hui les méthaniseurs. Son extension est demandée par l’AMF.

L’association met en avant le fait que la conjoncture exceptionnelle de 2022 a permis à l’État de gagner beaucoup d’argent grâce aux énergies renouvelables. Les prix de rachat étant très inférieurs aux prix de vente, l’État a engrangé 37 Md€, à comparer aux 42 Md€ que lui a coûté son soutien aux filières des énergies renouvelables depuis 2010. L’excédent s’élève à 221 M€ pour le biométhane entre 2012 et 2023. Or, la neutralité carbone passe nécessairement par un développement accéléré du biogaz. Renforcer le soutien de l’État et alléger les contraintes réglementaires est indispensable pour pérenniser la rentabilité des installations et relancer la dynamique des mises en service.

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